Nous mettrons maintenant cette procédure à l'épreuve avec la dernière illustration empruntée, bien sûr, au discours wagnérien. Il s'agit d'un extrait de la Walkyrie où la langue tonale se trouve manifestement convoquée, tout en faisant se bousculer les tonalités les unes les autres en de perpétuelles ruptures d'assise, engendrant par là une forte tension dramatique. Un discours heurté, donc, mais aussi et paradoxalement fondu à cause de la fluidité des pivotements (à une exception près, à la rencontre des mesures 25-26). On y entend, juxtaposées, en rangs serrés, nombre de ces formules que l'on a identifiées comme constantes du discours tonal et qui se retrouvent colligées à l'intérieur d'un petit catalogue abondamment illustré dans la première partie de notre site.
Exemple 111 : R. Wagner : Die Walküre, Acte I, duo entre Siegmund et Sieglinde
La composition de la Walkyrie (2e volet du Ring) s'est achevée en mars 1856, trois ans avant Tristan, mené à terme en avril 1859, ce Tristan où Wagner va porter le coup fatal à la tonalité. Cela devra alors s'accomplir et s'accomplira en visant directement au coeur, soit en atteignant la dimension harmonique du discours tonal, de sorte que les repères attendus s'effacent, pendant de larges pans de l'oeuvre où plus rien d'eux ne subsiste, faisant alors place à une véritable désorganisation de l'ordre harmonique, et partant, de l'ordre tonal.