2.2 La modulation
Introduction : le modèle d'analyse et la modulation
Ici et avant tout, il importe d'être infidèle à l'étymologie: moduler, ce n'est pas changer de mode, moduler, c'est changer de tonique. Le changement de mode provoque une mutation de climat, une coloration différente du même lieu, du même espace, mais sans ébranler l'assise tonale. Tandis que moduler, c'est aller ailleurs, c'est se réorienter en fonction d'une nouvelle tonique.
Pour questionner le fonctionnement du discours tonal modulant, le modèle théorique va prendre en compte trois éléments:
1. le parcours tonal de l'oeuvre, c'est-à-dire l'ensemble des tonalités successives à travers lesquelles circule le discours musical
2. la procédure d'installation et la qualité d'installation de chacune de ces tonalités
3. l'opération de pivotement qui permet de passer de l'une à l'autre.
Étant donné que de Bach à Wagner un très petit nombre d'oeuvres ne modulent pas, on peut, au plan du parcours tonal, représenter schématiquement le discours modulant de la majeure partie d'entre elles de la manière suivante:
Figure 5
Quelques précisions s'imposent:
- le terme "zone" désigne manifestement une région tonale (ou tonalité)
- le point d'interrogation accolé au pivot (y en a-t-il ou n'y en a-t-il pas?) veut simplement tenir compte d'une situation où le pivot est en quelque sorte inexistant dans la mesure où deux zones peuvent se retrouver abruptement juxtaposées sans aucune parenté ou relation entre elles.
- l'expression "zone secondaire" ne doit pas être confondue avec celle de "polarisation secondaire" qui, pour sa part, renvoie à un ensemble d'accords à fonction harmonique rattaché à une tonique secondaire dans un fragment de discours non modulant. La zone secondaire dénomme toute tonalité autre que la tonalité principale, cette dernière correspondant à la tonalité de la fin de l'oeuvre qui coïncide la plupart du temps avec celle du début de l'oeuvre.
Plusieurs questions surgissent. Y a-t-il modulation ou polarisation secondaire? Quand module-t-on et comment? Y a-t-il des parcours tonaux privilégiés par le discours musical de Bach à Wagner? Y a-t-il des constantes dans la manière de pivoter, et si oui, comment pourrait-on arriver à s'y reconnaître à l'audition (en ayant toujours en tête l'oeil qui entend et l'oreille qui voit)? Et à cet égard, pourrait-on se donner des règles du jeu?