Enfin, dernier élément d'une théorie des constantes du discours harmonique non modulant, le troisième mécanisme d'intervention sur la structure de base correspond à un fonctionnement par saut (quelquefois en sens inverse) du discours harmonique.
Les quatre types de déviation:
1) la déviation par altération sémantique d'un accord ayant une structure commune à deux fonctions
Exemple 27 : F. Schubert : Sonate pour piano, op. 120, no 3, D. 664, I (mes 107-112)
L'accord de 7e mineure et 5te diminuée apparaissant sur le quatrième temps de la mesure 110 sera d'abord entendu comme V de III m. m. (mode mixte) en vertu de ce qui précède (soit une progression systématique à travers le cycle de quintes avec substitutions au moyen de dominantes secondaires) pour être réinterprété comme II m. m. (mode mixte) en vertu de ce qui suit (une formule cadentielle).
2) la déviation par altération enharmonique d'un accord ayant une structure commune à deux fonctions
Exemple 28 : C.P.E. Bach : Solfeggietto (mes 26-31)
L'accord apparaissant sur le premier temps de la mesure 29 sera d'abord entendu comme V de N sous la forme d'une structure de septième de dominante (lab - do - mib - solb) en vertu de ce qui précède (comme dans l'exemple 27) pour être réinterprété comme V de V (lab - do - mib - fa#) sous la forme d'une structure de neuvième mineure de dominante, sans fondamentale et avec quinte abaissée (communément appelée sixte allemande*) en vertu de ce qui suit (comme dans l'exemple 27).
3) la déviation par altération chromatique d'un accord qui se faufile vers un autre (le plus souvent vers V) à la faveur d'un mouvement chromatique (ou de plusieurs, selon le cas)
Exemple 29 : L.V. Beethoven : Quatuor à cordes, op. 18, no 5, IV (mes 36-43)
Voir aussi d'abord l'exemple 225 où l'analyse des mesures 12-13 permet d'observer que VII après IV dévie chromatiquement vers V et ensuite l'exemple 434 où l'on voit la fonction III en fin de marche se faufiler vers V, à la faveur de deux mouvements chromatiques.
4) La déviation de n'importe quelle fonction du cycle vers V, traduisant une sorte de fébrilité du discours:
Exemple 30 : J.S. Bach : Toccate en sol majeur, BWV 916, Adagio (mes 1-4)
Exemple 31 : J.S. Bach : Toccate et fugue en ré mineur pour orgue, BWV 565, Vivace (fin)
Exemple 32: L.V. Beethoven : Symphonie no 7, op. 92, I, Poco sostenuto (mes 1-10)
Exemple 33: J. Brahms : Symphonie no 1, op. 68, IV, Allegro non troppo, ma con brio (mes 119-122)
Pour conclure cet exposé concernant les trois modes d'intervention sur la structure de base, il faut mentionner que les mécanismes de substitution (comme premier) et d'interpolation (comme second) sont de loin les plus utilisés, ce qui nous amène à énoncer une règle préférentielle:
dans le cas où l'on peut se référer à plus d'un mécanisme d'intervention pour expliquer une rupture dans la progression systématique à travers le cycle de quintes descendantes, l'on privilégie l'ordre suivant:
1- la substitution
2- l'interpolation
3- la déviation - avec ses quatre types également dans l'ordre: 1, 2, 3, 4)
Ainsi et par exemple l'U.S.H. I - IV - V - I relèvera d'une substitution (la fonction IV se substituant à la fonction II) plutôt que d'une déviation de type 4 de n'importe quelle fonction du cycle vers la fonction V.